Retour sur le festival MidiMinuitPoésie

À l’occasion du festival MidiMinuitPoésie de la Maison de la Poésie de Nantes en octobre 2019, les étudiant de LISAA, L’Institut Supérieur des Arts Appliquées de Nantes, partenaire du festival, ont réalisé des capsules vidéos avec différents invités. Une occasion de revenir sur le travail réalisé avec David Champey au sein de Saint Octobre.
Merci à Quentin Nestour, Audrey Penin et Chloé Prat pour cette rencontre.

Vous pouvez également entendre ici un enregistrement de la performance que nous avons réalisée, avec une belle présentation d’Alain Girard-Daudon, merci à lui et à Jet FM pour cet enregistrement.

Et puis ici, un entretien conduit lors du festival par Nati Gallego et Emie Morgado, élèves de 1ère au lycée Nicolas Appert, accompagnés de Linda Blanchart-Guiho, professeure de français, Virginie Choëmet, professeure documentaliste et Camille Cloarec, médiatrice littéraire.

1- Vous vous consacrez à la poésie sous toutes ses formes, avez touché à de nombreux domaines artistiques (photographie, musique, peinture…) Quel(s) domaine(s) préférez-vous et quelles collaborations vous ont le plus plu ?

J’ai bien sûr une sensibilité personnelle qui me pousse à me sentir plus proche de tel ou tel domaine artistique, la musique, par exemple. Je pratique aussi moi-même le dessin. Mais j’aime précisément les collaborations lorsqu’elles me bousculent, m’apportent des idées qui ne me sont pas naturelles, me font découvrir des univers qui ne sont pas les miens et dans lesquels j’ai moins de repères évidents. Alors sans doute s’agit-il donc autant de l’artiste en lui-même que de sa discipline proprement dite qui me parle. À ce jour, chaque collaboration m’a comblé puisque justement, elle m’a apporté des choses que je n’attendais pas.

2- Dans votre recueil Fleurs, nous avons remarqué une typographie qui nous paraît originale et très aérée. Que signifie ce choix pour vous ?

Bien qu’il faille sans doute apporter des nuances concernant la poésie contemporaine, l’usage courant dans l’édition est que le choix typographique d’un livre appartient à l’éditeur, et non pas à l’auteur, parce que souvent, chaque ouvrage est intégré dans une collection particulière, avec une charte graphique à respecter de livre en livre pour que celle-ci soit bien identifiable. Toute la mise en page de Fleurs est donc un choix initial de l’éditeur qui concerne sa collection entière et je n’y ai pas participé. J’ai simplement fait une proposition typographique et de couleur pour la couverture, qui a été acceptée. Le fait de changer le corps de la police sur certains vers de Baby Fleurs est aussi une proposition de l’éditeur.

3- Dans votre livre Nouveau Noum, en collaboration avec le groupe Saint Octobre, comment expliquez-vous cet intérêt pour la Russie et son activité nucléaire ?

La Russie me fascine et m’interroge depuis l’enfance, par sa richesse culturelle, par l’immensité de sa géographie, par l’étrangeté de son parcours politique, par son mélange permanent de profonde subtilité et de pragmatisme basique et violent. Parce que c’est un pays du froid et du long hiver, aussi. En m’intéressant aux zones Arctiques de ce pays, je suis tombé un peu par hasard sur l’activité nucléaire dans ces régions et souvent, les dégâts collatéraux qui en résultent. Je considère que la poésie est un formidable outil d’observation du monde et ça faisait longtemps que je voulais éprouver la mienne sur des sujets considérés par beaucoup comme moins ou pas poétiques. J’ai une opinion assez précise sur le nucléaire, mais en l’occurrence, ce livre n’est pas là pour la porter en particulier car j’avais une autre question plus importante à résoudre en entamant ce travail : le nucléaire est aujourd’hui, en France au moins, un sujet ultra clivant dont on ne peut pas parler sans entrer dans des batailles idéologiques « pour » ou « contre ». Alors pouvait-on proposer à un public, sur un tel sujet, un livre qui ne soit pas militant, c’est à dire dont le but premier n’était pas de donner une suite d’arguments en faveur de, ou contre cette énergie, mais qui pouvait traiter poétiquement et artistiquement de ce sujet, comme il aurait quasiment pu le faire de n’importe quel autre ? Une illustration de ce questionnement pourrait être ceci : un champignon nucléaire est une horreur par ce qu’il représente : radiations, contamination, dévastation… Pourtant, en terme de beauté formelle, cet agencement de particules poussées dans leurs limites les plus extrêmes donne l’un des phénomènes physiques les plus impressionnants et les plus phénoménaux qu’il soit donné de voir. Les photos sont fascinantes, des artistes en ont fait des œuvres de très haute esthétique. Comment résoudre cette dichotomie ? Comment se positionner face à cette beauté de l’horreur ? Je ne donne aucune réponse dans Nouveau Noum, mais avec les autres artistes du projet, nous posons ce genre de problématique : à chacun de les résoudre selon son choix.

4- Nous avons également constaté que le livre est écrit en anglais et en français, avez-vous fait ce choix pour le rendre plus accessible ? Et pour quelle(s) raison(s) avez-vous choisi d’intégrer autant de photographies dans cette œuvre ?

L’anglais est pour une accessibilité internationale, oui. Je travaille régulièrement à l’étranger et ce sujet du nucléaire est bien international, malgré les discours de chaque État considérant que le nucléaire fait partie de son pré carré intérieur. Nouveau Noum est un livre, mais aussi un film musical long métrage, mais aussi une exposition de photos, mais aussi un objet graphique formel. Certaines librairies l’ont rangé au rayon Beaux-Arts et non pas au rayon Poésie. Chaque artiste qui a travaillé sur ce projet a un univers personnel fort et c’est la rencontre et la multiplicité de ces univers, auxquels il fallait laisser pour chacun une place aussi large que celle de la poésie elle-même, qui à mon sens crée la singularité artistique de ce projet.

5- Votre recueil Fleurs et votre livre Nouveau Noum paraissent totalement différents. Selon vous, y a-t-il des points communs ou bien sont-ils réellement des projets opposés ?

Je ne sais pas exactement quels sont les points communs entre Fleurs et Nouveau Noum, mais il y en a forcément, puisque mon univers mental et ma vision du monde n’ont pas radicalement changé entre ces deux livres. Quelqu’un d’extérieur analyserait sans doute cela mieux que moi. En revanche, ce que je sais, c’est que je n’aime pas appliquer des recettes, travailler sur des formes que j’ai déjà utilisées dans un précédent projet. Chacun de mes livres est indépendant, différent des autres, en forme et en ton, même si, bien sûr, certaines thématiques communes peuvent revenir de l’un à l’autre. Malgré cette diversité de formes et de motifs, j’ai quand même la sensation d’évoluer dans un univers cohérent. Aux autres d’en juger !

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